Espaces en perdition 1

Bok av Simon Harel
Au coeur de cet essai, une question toute simple predomine: nous est-il possible d'habiter des lieux precaires, des espaces qui nous condamnent a une mort lente? Cette inquietude est motivee par la perception anxieuse d'un espace illimite que les expressions mondialisme ou decolisation qualifient avec difficulte. Cette investigation n'est pas metaphorique. De maniere concrete, qu'arrive-t-il aux sujets qui n'ont plus de lieux d'etre, a peine des espaces de survie? Est-il possible de creer une nouvelle invention du quotidien cet art de faire que Michel de Certeau decrivait il y a plus de vingt-cinq ans, auquel nous voulons ici rendre hommage. Si cet essai a un dessein, c'est de braconner au coeur d'une foret de signes, de faire son chemin pour mieux entendre les voix des individus reclus, mis aux arrets. Le roulier des recits d'Anton Tchekhov vaut bien la silhouette d'Artaud qui marche sans relache dans la cour de l'asile de Rodez. Les imprecations d'Artaud, qui ont autant de protrations hallucinees, peuvent etre entendues aujourd'hui: les naufrages de La Nouvelle-Orelans, les orphelins d'une ville abandonnee par les pouvoirs publics tout cela dit la detresse des sans-voix. Avec une certaine ambition, cet essai veut faire entendre la parole revoltee des petites gens qui peinent a vivre. Des Meatpacking Plants de Chicago aux vastes champs de coton du Sud, la vie est dure et vous impose d'etre un beast of burden, ce moins-que-rien de l'esclavagisme industriel. Les images de pauvrete du blues de Robert Johnson et Blind Willie McTell ont a peine vieilli. Notre monde est toujours cruel.